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Replay JT de TF1 – Tonnellerie du Val de Loire

Maîtriser le feu pour en faire un allié, c’est le défi permanent d’un tonnelier. En chauffant le bois, Manu Vriet va révéler ses arômes. Ancien menuisier, il exerce ce métier depuis quinze ans. Il est attentif à chaque instant et à la qualité de ses chauffes. La technique et les gestes sont immuables. Assembler et cintrer un fût exigent rigueur et expérience. Tout commence à l’atelier, et même avant, en forêt. Pour sa tonnellerie, Stéphane Vriet choisit des chênes qui ont au moins 180 ans. Le bûcheron élimine les branches qui pourraient gêner l’abatage. À chaque étape, il faut préserver la qualité de l’arbre. Trois ans vont passer entre l’abatage et la fabrication des fûts. Le bois doit sécher et évacuer ses tanins. Que ce soit au niveau de la chauffe ou du montage, un tonnelier est toujours au contact du bois. Chaque étape est importante mais le bousinage reste la chauffe la plus délicate. Elle sera courte pour les vins blancs et plus longue pour les alcools, comme le cognac. Un bon tonnelier doit être précis et soigneux. Cette tonnellerie de Sologne produit un millier de fûts par an.

Replay JT – TF1 « Pleins feux sur un tonnelier »

La naissance d’un tonneau

Quel est le trajet d’une grume de chêne, de la forêt au fût ? Nous vous emmenons à la Merranderie Vriet, non loin du château de Chambord, qui s’est doté d’une tonnellerie depuis 2006. Voyage d’un autre temps !
Entre la naissance d’un chêne et la dégustation du premier verre de vin élevé dans une barrique réalisée à partir de son tronc, il peut s’écouler plus de 200 ans. Avant d’aller plus loin, précisions deux ou trois termes. La merranderie est l’activité qui consiste à produire des merrains à partir du tronc de l’arbre, des lamelles qui ont entre 22 et 37 millimètres d’épaisseur et une largeur entre 20 et 120 millimètres. Ces merrains vont servir à fabriquer les douelles qui vont être assemblées pour former les parois du tonneau. La première qualité d’un fût est d’être étanche. Il faut donc respecter le fil du bois (le sens de montée de la sève), ce qui ne peut être obtenu que par fendage de la grume (le tronc ébranché mais encore avec son écorce).

Le chêne à merrain doit pousser très lentement pour avoir un grain très fin, gage de qualité. Sa pousse est ainsi d’environ 0,5mm de diamètre par an. Il est issu de forêts dites sous futaies, régénérées par semis naturel. Les jeunes futaies sont éclaircies tous les dix ans, mais ce sont uniquement les dernières coupes qui vont produire les grumes destinées aux merrains. Cette conduite de la forêt permet de produire des grumes bien droites avec un minimum de branches latérales, pour minimiser les nœuds préjudiciables à l’étanchéité.

En lune descendante

Les chênes à merrain ont au minimum 120 ans, mais les plus recherchés ont entre 160 et 180 ans et sont issus de chênes pédonculés ou sessiles européens. Ils conviennent le mieux à l’élevage du vin, au contraire du chêne rouge et du chêne blanc nord-américains, très riches en tanins et qui, de ce fait, ne conviennent bien qu’au vieillissement des alcools forts (bourbon par exemple).

Les prix vont de 400 à 1000 €/m3 pour les grumes de chêne destinées à la tonnellerie, contre 100 €/m3 pour celles destinées au parquet et 50 €/m3 pour les traverses ou charpentes. Les ventes sont réalisées par soumission, au plus offrant. Pour certaines grumes, les prix peuvent atteindre 1500€/m3, selon l’âge du chêne, sa valeur patrimoniale et sa provenance.

Les arbres sont abattus en lune descendante, pour minimiser la sève dans le bois. Environ 20 % à 30% d’une grume est convertie en merrain, les 80 % restants sont vendus en connexes (bois de chauffage, contreplaqué, etc.). On fait en moyenne 12 barriques dans 1m3 de merrain. Si l’on compte 20% de rendement sur un m³ de chêne à 80O€, 30 heures de travail par m³ de merrain (soit 1000€), le tout donne un coût de matière première par barrique au minimum de 400€. Sans compter les frais d’abattage et les frais liés au temps de séchage.

Les billons sont fendus dans le droit fil du bois, en éliminant les piqures d’insectes, taches rouges (champignons), parties dégénérées du bois, galle traversante, cœur du billon… Les pièces fendues sont finalement sciées pour constituer les douelles d’épaisseur et de largeur variables. Cette méthode remonte à la nuit des temps et est aujourd’hui pratiquée avec les outils les plus modernes, notamment avec calculateur de débit et assistance laser.

L’art de la chauffe

Les douelles sont une dernière fois triées, par épaisseur, largeur et qualité (grain). Celles avec défauts sont retravaillées, par exemple pour constituer les fonds de barriques. Elles sont ensuite stockées durant 2 à 3 ans à l’air libre. Ce séchage naturel est primordial, les qualités à la fois mécaniques, organoleptiques et œnologiques des futures barriques en dépendent. Le temps accomplit, grâce au vent, au soleil et à la pluie son lent travail d’affinage. Les tanins les plus grossiers s’évaporent, les arômes murissent. Le bois passe ainsi de 80% d’humidité à 15%

L’élevage sous bois par Christian Vergier

Christian Vergier, Flying Rum Maker ouvre la rubrique Coeur de chauffe avec une réflexion générale sur les politiques de vieillissement dans l’univers du rhum. Le décor est ainsi planté pour une série d’articles de plus en plus « pointus ». Oenologue consultant, master blender, il travaille depuis 15 ans avec Rivière du Mât à la Réunion, La Mauny et Trois Rivières en Martinique ainsi que New Grove et Arcane sur l’île Maurice. Ses
produits ayant été multi-médaillés à la Rhum Fair 2013, on l’a également surnommé le Michael Phelps du rhum.
Les rapports du rhum et des fûts en bois et plus particulièrement en chêne sont anciens. Primitivement
utilisé comme simple contenant pour le stockage des rhums blancs, le fût acquiert peu à peu ses lettres de noblesse en démontrant son rôle bénéfique et son indéniable apport dans le processus d’évolution du produit contenu. D’un simple rôle utilitaire, le fût devient vite un incontournable pour finir par être, aujourd’hui, le principal acteur du processus d’élaboration d’un futur rhum vieux. Le juste terme pour qualifier ce lent processus
d’évolution est certainement celui d’élevage.

ELEVER UN RHUM JUSQU ’À LA MATURITÉ DÉSIRÉE

Je réserve personnellement le mot de vieillissement à un tout autre usage. Le vieillissement qualifiant la période qui succède à la mise en bouteille dudit produit maintenant élevé. Cette longue période, dite d’élevage, consiste pour le maître de chais à prendre en main un jeune rhum blanc, souvent plein de fougue et de personnalité, à l’accompagner au fil des ans et à le modeler avec justesse, pour en faire un rhum ‘’vieux’. Quant à la durée du vieillissement d’un rhum en bouteille, elle dépendra surtout de la gourmandise et de la curiosité de son propriétaire et, pour parler vrai… de sa soif. Nous reviendrons sur les avantages d’un long passage en bouteille dans un prochain numéro.

DE LA PRATIQUE DE L’ÉLEVAGE EN FÛTS

La législation des rhums agricoles reconnaît pour sa définition un contenant en bois de chêne, sans définition d’origine, d’une contenance inférieure à 650 litres. La porte est donc ouverte à toutes les provenances et à toutes les capacités : bois de chêne d’origine française, du Limousin, de l’Allier, du Centre, du Haut-Berry ou de Bretagne, et bien sûr fûts de bourbon mais pas seulement. Ces bois de chêne peuvent également provenir de plusieurs origines possibles- Missouri, Minnesota, Appalaches – le choix est vaste et la question tout aussi complexe que cruciale. Les capacités de ces contenants varient quant à elles de 170 à 650 litres, avec une nette prédominance des formats de 200 litres pour les bois de chênes originaires des Amériques et de 400 litres pour nos chênes européens. Le choix de la juste capacité est parfois tout aussi important que le choix de l’essence du bois. Bien choisie, elle modèlera avec plus ou moins de rapidité et de précision le profil organoleptique du produit contenu, la taille adoptée influant sur les phénomènes de micro-oxydation si nécessaires aux combinaisons chimiques attendues. Une fois le choix du fût effectué, il faut alors organiser la période d’élevage. Considérer un élevage en fût comme un simple stockage me semble être une pratique bien désuète malheureusement fortement
répandue. Confier son rhum à un certain hasard peut paraître bien sommaire.

SOMMAIRE,VOUS AVEZ DIT SOMMAIRE…

Que d’échecs constatés. Que de rhums blancs pleins de promesses si mal ‘’éduqués’’. Que d’élevages maladroits, trop discrets ou trop ravageurs, inconséquents ou sans aucun respect pour les caractéristiques de l’eau-de-vie
de départ. Il m’arrive fréquemment de déguster d’excellentes eaux-de-vie blanches dont le caractère et le charme s’estompent au fil des années d’élevage. Un flétrissement continu pour donner après quelques années en fûts un
alcool impersonnel et aseptisé, devenu le simple reflet de la dimension technique de son passage sous-bois. Adieu les saveurs de canne fraîche, de fleurs blanches délicates, d’épices orientales. Place aux poncifs inhérents aux choix des fûts : boisés plus ou moins fins, fractions empyreumatiques (ndlr : odeur ou goût acre du brûlé) assassines, vanille réductrice et esters grossiers. Je qualifie volontiers, à l’instar d’une certaine catégorie de vins, ces rhums de ’’rhums techniques’’. Le terme ‘’technique’’ n’est en rien à mes yeux péjoratifs. Il indique seulement une certaine pratique d’élevage, volontairement ou non beaucoup trop présente. L’on peut s’enthousiasmer
à la dégustation d’un Chardonnay de Californie, deviser sur son exubérance, son côté technique et fortement beurré, mais préférer à l’heure du homard un Bâtard-Montrachet reflétant son terroir et non son processus
d’élaboration. C’est un exercice amusant que de tenter de définir par exemple les principaux ‘’marqueurs’’ identifiant les rhums des Caraïbes. Certaines fractions aromatiques citées ne caractérisent en rien la provenance du rhum mais tout simplement la nature des bois choisis pour son élevage. Il est alors tout fait normal de trouver ces mêmes identifiants aromatiques sur des produits totalement étrangers aux îles tropicales, whiskies, bourbons, brandies, au seul titre qu’ils utilisent la même provenance de fûts.
Ce court préambule pour comprendre que l’élevage d’un rhum est loin d’être une pratique simple. Les choix sont multiples et les années d’expérience, par simple évidence, longues à acquérir. Il serait bien dommage, en tant
qu’amateurs, de se contenter de l’unique notion de rhum vieux pour percevoir du plaisir lors d’une dégustation. Vieux, est un vocable bien simple et bien généraliste que l’on souhaite naturellement voir associé aux notions de sagesse, de quiétude et de richesse. Mais le glissement sémantique est proche, et l’on sait que ce mot de ‘’vieux’’ peut se traduire dans bien des rhums ainsi nommés, par des notions de fatigue, de baisse de forme, voire de ‘’fin de vie’’. Soyons vigilant et dégustons juste.

Parution RUMPORTER N°1 DECEMBRE 2013